jeudi 4 octobre 2012

Ive Gourgaud : LE DICTIONNAIRE CEVENOL-FRANÇAIS DES VERBES

 


LE DICTIONNAIRE CEVENOL-FRANÇAIS DES VERBES

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    C’est un ouvrage important qui vient de paraître aux éditions populaires Aigo Vivo : important par son volume (410 pages au format A4) mais aussi et surtout parce qu’il marque une date dans la reconquête linguistique et culturelle des Cévenols. C’est en effet la première fois que paraît un Dictionnaire entièrement consacré à la langue cévenole, et plus précisément à sa partie essentielle, les verbes. On sait qu’en opposition au français, qui s’est construit dans l’abstraction et qui s’appuie sur le nom, les langues d’oc se sont édifiées dans le concret, et que ce concret s’exprime essentiellement par le verbe.

Pour faire bref, on pense nominalement en français, et verbalement en cévenol comme en provençal. Quand un francimand pense à « la maturité des fruits », le cévenol pense (et dit) que « la frucho amaduro ». C’est un indice très sûr pour reconnaître qu’une phrase a été soit pensée en français et traduite mot à mot en langue d’oc, soit pensée directement en langue d’oc : « la vengudo de la primo », c’est du cévenol (ou du provençal) grammaticalement correct mais sans le génie propre à la langue, qui dira plus naturellement « la primo es vengudo / la primo venguè / venguè la primo », etc.






Cet ouvrage a été composé par dépouillement d’une vingtaine d’ouvrages ou de textes, parmi lesquels tous les grands dictionnaires qui avaient recueilli des mots cévenols. Il donne systématiquement la référence de la source, ce qui permettra à chacun de vérifier l’existence du verbe (l’auteur dit ne pas avoir voulu « boucher les trous » ni proposer des verbes qui n’auraient pas été attestés dans un lexique ou un texte cévenol)

    La définition est accompagnée d’un grand nombre de phrases ou d’expressions qui permettent de situer le verbe dans son contexte soit linguistique soit culturel : on trouvera de longues explications sur des techniques traditionnelles comme celles de la châtaigne ou du ver à soie, afin que le lecteur puisse s’imprégner de la civilisation qui a forgé ces verbes.
    On y trouvera aussi des citations d’auteurs, depuis le XVIIe siècle jusqu’au XXIe : ces citations sont données dans leur graphie d’origine, ce qui n’est malheureusement pas le cas dans des dictionnaires aussi prestigieux que celui de Mistral.
    Ce Dictionnaire a recueilli des verbes dans tout l’espace cévenol, qui s’étend sur cinq départements : l’Ardèche (du sud), l’Aveyron (pays de Nant), le Gard (pays d’Alès et du Vigan), l’Hérault (pays de Lunel) et la Lozère (à l’est d’une ligne Langogne-Meyrueis)
    
A titre d’exemple, voici l’article consacré au verbe VIRA :  Vira : Tourner ; se mouvoir circulairement ; retourner dans un autre sens. Vira de caire, tourner de côté, mettre de champ. Vira de biai, placer commodément, dans le sens voulu. Lous aubricot vìrou, les abricots commencent à mûrir, cf. Veira. Vira cabosso, vira canturlo, vira de la tèsto (H), devenir fou, insensé, perdre la tête. La tèsto li viro (H), la tête lui tourne. Vira l'aigo, détourner le cours de l'eau, arroser une planche de jardinage. Vira l’aigo à soun mouli (H), profiter de la situation, en tirer avantage. Vira l’esquino (H), tourner le dos, s’en aller, partir. Vira l’aste, tourner la broche. Vira lous ièl, loucher. Lou rasin aigre me fai vira las dent, le raisin qui n'est pas mûr m'agace les dents. Dequé viro ? 1) de quoi s’agit-il ? ; 2) (SA), aux cartes : quelle est la couleur de l’atout ? Viro de pico, 1) il tourne pique, c’est atout pique ; 2) c'est le moment où les coups vont pleuvoir, il va y avoir du grabuge. Faire vira lou cruvelet (SA), faire tourner le sas. Vira lou quiu, tourner le dos, s'en aller, rompre avec quelqu'un. Vira casaco ou Vira sa vèsto (H), changer d'opinion; abandonner une idée, un parti, pour en suivre un autre. Vira de l’arpo (H), mourir. Vira lou troupèl, détourner le troupeau de la direction qu'il a prise. Vira lous cantou, arrondir les angles. Coumo que tout vire, quoi qu’il en soit, quoi qu’il advienne. Es countent coumo que tout vire, de quelque façon que les choses marchent, il se déclare satisfait. Vira un moustas (M), gifler, donner une gifle. Se vira (FO), éprouver une vive émotion ; (PE) se soucier.  Se vira de toute lous biai (SA), s’y prendre de toutes les façons.

    Le prix de revient de l’ouvrage (avec couverture cartonnée protégée par une feuille de plastique) est de 30 euro, auxquels il faudra ajouter les frais de port.
    
Pour plus de renseignements :

ive.gourgaud@orange.fr

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