samedi 26 octobre 2013

Yves Gourgaud : Dis-moi qui tu fréquentes…

 
 
 
 
Dis-moi qui tu fréquentes…

    Le Félibrige actuel semble n’avoir retenu du mistralisme qu’une seule idée : l’unité de la « langue d’oc ». Idée indiscutablement mistralienne, il est inutile d’accumuler les citations. On pourra toutefois faire remarquer que cette « langue d’oc », si unie et si unitaire qu’il n’est absolument pas permis de la remettre en cause, a des limites qui elles sont bien fluctuantes : au début, Mistral n’y inclut même pas l’Auvergne ! Ensuite, avec l’ivresse des succès littéraires, les limites au contraire  s’ouvrent en grand et la « langue d’oc » de Mistral inclut tous les pays francoprovençaux et toute la Catalogne ! Troisième étape, après le refus très net des Catalans de se laisser inclure dans cette « langue d’oc » mistralienne : on en revient à la « moyenne Occitanie » avec Lyon, Saint-Etienne, Grenoble et le Val d’Aoste qui, n’ayant pas la puissance des Catalans, seront inclus de force. A preuve, le fameux TDF qui donne des citations en francoprovençal ! Je ne sais même pas si le Félibrige a officiellement reconnu (quand ? qui ? merci à qui saura me le dire) l’indépendance linguistique des pays francoprovençaux dans un quelconque document officiel…
    On le voit, cette « langue d’oc » si « indiscutable » a du plomb dans l’aile dès qu’on connaît les immenses hésitations de Mistral lui-même : un « bon mistralien » tendance Félibrige officiel va-t-il contredire le Maître en affirmant que Grenoble n’est pas de langue d’oc ? Rappelons aussi qu’au Félibrige  le catalan n’est plus de « langue d’oc », mais que le Roussillon (de langue catalane) a eu droit à une Maintenance tout comme la Provence ou la Gascogne… comprenne qui pourra…
    Bien sûr, si tous les Félibres unitaristes avaient l’intelligence du Félibre d’Auvergne (1), qui admet une unité sur le plan strictement linguistique mais qui double cette constatation d’une vision socio-culturelle qui, elle, affirme l’existence de plusieurs langues d’oc avec des littératures et des graphies distinctes, il n’y aurait aucun mal à voir le Félibrige affirmer cette « unité de la langue d’oc ». Malheureusement, le Félibrige officiel semble s’être figé sur un unitarisme total et intransigeant, au point de considérer comme « mauvais mistraliens » ceux qui ne professent pas cet acte de foi, et surtout au point de s’allier régulièrement avec les pires ennemis du mistralisme et du Félibrige, les occitanistes qui eux aussi ont fait de l’unité absolue et indiscutable de la « langue occitane » la pierre angulaire de leur temple.
    Quelques lectures récentes vont me permettre de rafraîchir ici la mémoire de ceux qui, au Félibrige, semblent avoir oublié les faits passés (« dóu passat la remembranço », chantent pourtant tous les félibres). En voici quelques-uns, petite goutte d’eau dans le torrent des citations anti-mistraliennes et anti-félibréennes de l’occitanisme.
    En 1970, un occitaniste ardéchois fait paraître pour la seconde année un « Almanach Ardéchois » où bien sûr le mot « occitan » est répété à satiété ; quand on donne une liste de « groupements et associations » du « renouveau occitan » (page 7) on trouve en tête l’IEO mais aucune mention du Félibrige ni d’une quelconque association mistralienne. Est-ce suffisant pour affirmer que cet occitan était hostile au Félibrige ? Oui, puisqu’il l’affirme tranquillement page 14, dans un paragraphe intitulé « L’occitanisme dans l’Ardèche » et qui commence ainsi :

    L’occitanisme (par opposition au Félibrige) est maintenant implanté en Ardèche…
    
Nous ajouterons, pour rassurer ces braves occitanistes, qu’il est aussi, à l’heure actuelle, « implanté dans le Félibrige » : le « grand poète » Serge Bec (celui dont on nous affirme qu’il est grand puisque personne ne le comprend)  y a fait une entrée au grade envié de Majoral, lui qui osait affirmer dans la propre revue du Félibrige que le mot « maintenir » était haïssable et mortifère… Mais mépriser le Félibrige semble plus rentable, de nos jours, que de travailler avec science et conscience : ces immenses travailleuses que sont Roseline Martano et Bernadette Zunino, pour ne prendre que deux exemples que je connais bien, attendent toujours, elles, d’être reconnues par les Catau. Comme elles se « contentent » d’un travail d’enseignement et de diffusion, de publications et de recherches au service du mistralisme et des mistraliens, comme elles écrivent une langue que tout le monde comprend, et qu’en plus elles sont fidèles y compris à la direction actuelle du Félibrige, elles risquent d’attendre longtemps. Je promets de faire ici amende honorable dès que le Félibrige m’aura fait mentir à leur sujet.
    Il est un autre occitaniste virulent  qui, lui aussi, voudrait bien se voir accrocher une cigale au revers : le tristement célèbre Pierre Pessemesse qui a passé toute sa vie à croire qu’un grand écrivain c’est quelqu’un qui écrit au-dessous de la ceinture. On a les critères moraux et esthétiques qu’on peut… Et voici que je redécouvre un compte-rendu littéraire dudit Pessemesse dans une publication occitane :
Dans les « Tables analytiques… de la revue OC » publiées par le CIDO en 1985, on apprendra que Pessemesse a fait un compte-rendu d’un ouvrage de François Jouve, Prix Mistral en 1954 et Majoral du Félibrige dès 1931. Or nous sommes en 1972, et Jouve est mort quatre ans auparavant. Pour apprécier à sa juste valeur la critique de Pessemesse, il faut savoir que l’ouvrage critiqué est justement l’édition complète des œuvres de Jouve (« Conte e raconte)
Que va donc dire du Majoral-écrivain Jouve le critique-écrivain Pessemesse, candidat au poste de Majoral ?

« PESSAMESSA (P.) – C.r. de F.Jouve, Conte e raconte / pages 87-89 du numéro 239 d’OC/ Contes et histoires (galéjades, anecdotes, souvenirs) publiés par l’Association des amis de F.J. : éloquence félibréenne, syntaxe fr[ançaise] trad[uite] en prov[ençal], vocabulaire précieux chez cet homme qui parlait une langue prov[ençale] « força bona » mais qui ne faisait que de grosses tâches quand il trempait sa plume « dins l’escritori mistralenc »
 
Alors, Messieurs Mistral et Jouve, êtes-vous assez bien habillés pour l’hiver ? Et Messieurs les Catau du Félibrige, allez-vous continuer longtemps à nous expliquer que les occitanistes sont des alliés indispensables à la défense de nos parladures ? Quand vous aurez élu Pessemesse, cet « écrivain » qui n’a jamais su employer correctement les temps surcomposés, allez-vous lui demander, avec son acolyte Bec, de nous écrire une Nouvelle Histoire de la Littérature Provençale éditée par le Félibrige ? En effet, dans leur « Précis de littérature provençale » les deux auteurs (Rostaing et Jouveau, deux pauvres Capouliers du Félibrige) ont osé écrire à propos de l’écrivaillon Jouve, page 116 :

    « Conteur sans égal, plein de verve et d’esprit comtadin /…/ Jouve est probablement un des derniers représentants de l’esprit provençal et, sans doute, le meilleur. »

Qui a raison, Rostaing/Jouveau ou Pessemesse ? Il serait vraiment comique que Pessemesse se trouve un jour élu Majoral sur la cigale de Jouve, et qu’il ait à en faire l’éloge !!
 
 
(1) Alain Broc : « La langue d’oc et ses langues littéraires, Provençal, Cévenol, Auvergnat illustre… », Aigo Vivo, Alès 2012
 
 
 
Yves Gourgaud, 
Félibre MAINTENEUR, 
Octobre 2013

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